Johanne Garny



PhD Student

Etudes des sources textuelles (littéraires et documentaires) sur la crise politique et migratoire en Méditerranée orientale au 13e siècle av. J.-C.

Aux alentours de 1200 av. J.-C., la Méditerranée orientale connut une période de troubles et d’instabilité générale. Les grands empires et centres importants de la région furent la proie de troubles sociaux, et de crises politiques et économiques sans doute liées à des problèmes climatologiques et environnementaux. Ces troubles provoquèrent l’effondrement de l’empire hittite et des centres levantin et égéen, ainsi qu’une crise sociale profonde en Egypte, où certaines populations cherchèrent à s’installer. Cette période charnière marque la fin de l’âge du Bronze et la transition vers l’âge du Fer dans le bassin méditerranéen. Les « Peuples de la Mer » furent une coalition de différentes ethnies qui attaquèrent l’Egypte durant les règnes de Merenptah (1213-1203 av. J.-C.) et de Ramsès III (1185-1153 av. J.-C.). Ils furent longtemps considérés comme les principaux responsables de cette situation de crise. Les raids qu’ils semblent avoir menés en Syrie et au Levant conduisirent à la destruction des sociétés régionales, comme par exemple la cité portuaire d’Ougarit. Mais il s’avère que ces « Peuples de la Mer » sont plutôt les révélateurs d’un processus général de migrations dans le bassin méditerranéen et qu’ils doivent donc être perçus davantage comme l’une des nombreuses conséquences de la crise du 13e siècle, et non comme la cause première de celle-ci.

Mon projet de recherche s’intéressera aux sources textuelles allant du 14e siècle au début du 12e siècle, à la fois égyptiennes et proche-orientales. L’objectif sera de relever tous les témoignages directs et indirects permettant d’identifier des indices en lien avec le sujet. L’hypothèse de base pose l’existence d’une situation de crise dans toute la Méditerranée orientale au 13e siècle, qui ne transparaît pas toujours de manière claire via les découvertes matérielles ou l’étude de certains textes. Il est habituel de considérer cette période comme une époque de grande prospérité et de stabilité (règne de Ramsès II en Egypte, apogée de l’empire hittite et traité de paix entre ces deux grandes puissances), mais la réalité pourrait être quelque peu différente. Une crise de l’ampleur de celle qui a touché la Méditerranée orientale vers 1200 av. J-C. ne peut s’expliquer sans une recherche des causes profondes d’un déclin progressif.

Cette étude portera un intérêt particulier aux migrations de population et aux conflits qui en résultent, comme étant un indice d’une situation de crise préalable. Il est intéressant de rechercher en effet les causes profondes qui ont poussé certaines populations à quitter leur terre natale ou à entrer en conflit avec d’autres. Elle tentera également d’établir des parallèles entres les aires géographiques étudiées (Anatolie, Levant et Egypte), afin de dégager les similitudes possibles, les différences contextuelles et d’observer les interactions et contacts, grâce notamment à l’abondante correspondance diplomatique échangée entre ces régions.

Bien que l’intérêt se portera essentiellement sur les régions du bassin méditerranéen oriental (les empires hittite et égyptien, mais aussi le Levant et le monde égéen), la Syrie et la Mésopotamie pourront également être étudiés en vue de repérer toutes les sources pertinentes en akkadien. L’objectif sera d’établir un corpus de textes (littéraires et documentaires) en langues égyptienne, hittite, louvite, akkadienne et ougaritique. Ce corpus sera classé, traduit et commenté en vue de l’élaboration d’une synthèse de caractère historique. Cette synthèse tentera de dresser un tableau général de la situation en Méditerranée orientale au 13e siècle et au début du 12e siècle. Les éléments étayant l’hypothèse d’une période de crise seront mis en avant et une étude comparative sera menée afin de dégager les spécificités propres à chaque aire géographique étudiée. Les contacts entre les différentes sociétés et les échanges entre celles-ci seront particulièrement mis en lumière. Il sera alors possible de caractériser les éléments observés pour le 13e siècle en Méditerranée orientale, par rapport aux modèles connus dans l’histoire plus récente.