Ager des imperatores, guerre des géomètres

cadastres et guerre civile en Gaule du Sud


Martine Assénat

Maître de conférences d’histoire romaine à l’Université Paul-Valéry Montpellier III

Chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes Georges Dumézil d’Istambul (Ifea)

March 2014 24/03 at 10:45

Louvain-la-Neuve (Belgium) – UCL – FIAL – ERAS 69 (c.228)

Mettant fin à la crise de la République mourante, l’avènement d’Auguste éteint les feux de la guerre civile et inaugure une ère de prospérité. En Gaule du Sud la paix restaurée favorise le renouveau des cités et le déploiement de leur parure monumentale, en même temps que de nouvelles planifications réorganisent villes et campagnes. En évaluant l’impact des limitationes datées de la période précédente, c’est-à-dire de la période triumvirale, sur le sol de ces mêmes cités nous nous intéresserons à ce que la propagande augustéenne et ses réalisations sont précisément venues recouvrir.

« Ces années de démence », pour reprendre l’expression de Claude Nicolet, ont en effet inscrit sur le sol de la Provincia l’histoire de la concurrence acharnée à laquelle les imperatores de la République finissante se sont livrés. L’inventaire des cadastres romains présents sur son sol révèle une activité agrimensorique (c’est-à-dire relative à la mesure des terres et à la création, ici, de centuriations) particulièrement prolifique à partir de la période césarienne qui ne s’explique pas seulement par la consolidation de la conquête. Les interventions répétées des géomètres romains sur les territoires des cités, destinées à récompenser la soldatesque, comme l’efficacité des moyens par eux mis en œuvre, disent à quel point les généraux mettaient dans la distribution des terres leurs plus grands espoirs de puissance. Elles permettent d’interpréter la carte politique des cités de la Provincia à la lumière d’un pragmatisme un peu particulier que nous tenterons d’éclairer.